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BAUDELAIRE (Ch.). Les Fleurs du mal. Paris, Poulet-Malassis et De Broise, 1857, in-12, demi-maroquin citron, dos à nerfs, tranches dorées (reliure ancienne).

ÉDITION ORIGINALE de ce recueil poétique dédié à Théophile Gautier.

Premier aboutissement du travail poétique de Charles Baudelaire (1821-1867). 
Peinture d'un paysage intérieur complexe et changeant, Baudelaire dit dans Les Fleurs du mal l'essentiel de sa philosophie : l'homme est constamment tiraillé entre deux aspirations contraires - « l'une vers Dieu, l'autre vers Satan » -, aspirations qu'illustrent fidèlement les divers états d'âme du poète, oscillant entre spleen et idéal. Pour traduire sa pensée, Baudelaire inventa de nouvelles images, d'une beauté captivante et singulière, reposant sur l'idée d'une correspondance entre les sens. Sa poésie devient alors le lieu d'une aventure intérieure, d'une quête à la fois spirituelle, sensorielle et formelle. Autant de leçons que les générations à venir, Rimbaud et Mallarmé en tête, n'oublieront pas.
Pour publier ce qu'il savait être son chef-d'œuvre, Baudelaire choisit un éditeur selon son cœur, Auguste Poulet-Malassis (1825-1878), lequel avait fréquenté la bohème littéraire et édité Leconte de Lisle, Banville et Gautier. Après plusieurs longs mois de corrections, l'ouvrage parut en juin 1857 et fut tiré à 1320 exemplaires, un tirage inhabituel pour un auteur alors à peu près inconnu. Le procès qui advint très vite après la sortie du volume imposa la suppression de six pièces, amenant l'éditeur à amputer bon nombre d'exemplaires des pages correspondant aux poèmes condamnées. 

Exemplaire non expurgé, il offre les six poèmes condamnés : « Les Bijoux » (p. 52), « Le Léthé » (p. 73), « À celle qui est trop gaie » (p. 91), « Lesbos » (p. 187), « Femmes damnées : À la pâle clarté » (p. 191) et « Les Métamorphoses du vampire » (p. 206).
Il présente en outre l'essentiel des remarques de première émission, telles que décrites par Launay : au feuillet de dédicace « ès langue française » (au lieu de « ès lettres françaises »), « jeterai » (p. 13), « guères » (p. 29), « errants sur les rivages » (p. 43), « au parfum » (au lieu de « un parfum »), « aux doux bruit » (p. 217), page 45 chiffrée 44, coquille au titre courant (Feurs pour Fleurs) aux pp. 31 et 108.
Seule la faute à « s'enhardissant » (p. 12, auparavant « s'enhardissent ») a été corrigée.

Il fut relié vers 1880 pour un bibliophile soucieux d'élégance.

Il a appartenu à l'écrivain Gérard Bauër (1888-1967), petit-fils d'Alexandre Dumas (1802-1870).
Fils de l'écrivain et polémiste Henry Bauër (1851-1915), lui-même né de la liaison entre Alexandre Dumas et Anna Bauër (née Herzer), Gérard Bauër fit une brillante carrière de journaliste, critique littéraire et chroniqueur, d'abord à L'Écho de Paris, puis au Figaro. À partir de 1935, il y publie, sous le pseudonyme de Guermantes, des chroniques principalement consacrées à l'actualité des lettres, qui, sous le titre Les Billets de Guermantes, seront publiées en deux volumes parus respectivement en 1937 et 1947. Paris est le thème de plusieurs de ses ouvrages. Il est élu à l'académie Goncourt en 1948.
À ses débuts, Baudelaire avait volontiers moqué la « nature de farceur » de l'illustre aïeul de Gérard Bauër. Mais bientôt la fougue de ses drames, tels La Dame de Monsoreau ou Balsamo, avait stupéfié son amour du sérieux et forcé son admiration. Il avait alors offert l'un des exemplaires sur hollande de ses Fleurs « à l'Immortel auteur d'Antony » avant d'écrire qu'il était l'incarnation de « la vitalité universelle ».

L'exemplaire est conservé dans une chemise-étui bordée de maroquin tête-de-nègre de Lucie Weill, qui exerça entre 1930 et 1978.

Dimensions : 172 x 108 mm.

Provenances : un timbre humide avec la mention « ΨΥΧΗΣ ΙΑΤΡΕΙΟΝ [médecine de l'âme] », dont le possesseur n'est pas clairement identifié (un comte de Rouville, selon une note au crayon sur l'une des gardes du volume et le catalogue de la vente des livres de Gérard Bauër) ; Gérard Bauër (Cat., 22 mai 1962, n° 23, « Très bel exemplaire, dans une fraîche reliure de l'époque »), avec son ex-libris.

Carteret, I, pp. 118-123 ; Talvart et Place, I, p. 284, n° 9 A ; Vicaire, I, 341-343 ; Launay (J.-J.), « Impressions, publications, écrits d'Auguste Poulet-Malassis... », in Bulletin du bibliophile, 1979, IV, pp. 523-526, n° 26 ; Oberlé (G.), Poulet-Malassis, Montigny-sur-Canne, Le Manoir du Pron, 1996, pp. 86-87, n° 212 ; Pichois (Cl.) - Avice (J.-P.), Dictionnaire Baudelaire, Tusson, Du Lérot, pp. 371-372, 382-387, 167 (Dumas) ; Schopp (Cl.), Dictionnaire Dumas, CNRS Éditions, 2010, p. 47 (Anna Bauër).

 

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