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CALVIN (J.). Psychopannychie. Traitté par lequel est prouvé que les ames veillent & vivent apres qu'elles sont sorties des corps : contre l'erreur de quelques ignorans qui pensent qu'elles dorment iusques au dernier iugement. Nouvellement traduit de Latin en François. [Genève], de l'imprimerie de Conrad Badius, 1558, petit in-8° de 72 ff. sign. a-i8, maroquin olive, filet doré autour des plats, dos lisse avec titre en long, roulette intérieure dorée, tranches dorées (reliure de la seconde moitié du XVIIIe siècle).

Rarissime édition française du premier traité théologique de Calvin.
L'avatar éditorial de la Psychopannychia a longtemps été discuté par les spécialistes, mais ils s'accordent aujourd'hui sur le fait que Calvin commença à en rédiger le manuscrit vers 1534, qu'il le retravailla encore plusieurs fois en 1535 et 1536 et que celui-ci fut publié pour la première fois en 1542, chez Wendelin Rihel à Strasbourg, sous le titre de Vivere apud Christum, non dormire animis sanctos, qui in fide Christi decedunt, assertio. L'ouvrage connut une seconde édition latine, à peine modifiée, en 1545.
La présente édition est l'une des deux premières de la traduction française, qui furent données toutes deux par Conrad Bade au cours de l'année 1558. Peter Rodolphe et Jean-François Gilmont avancent que celle-ci serait « sans doute une réimpression » de la première, parce qu'ils considèrent que son calibrage typographique lui est supérieur ; cependant, aucun spécialiste n'a pu encore trancher cette question avec des arguments scientifiques. (La traduction française de 1556 que mentionnent Eugène et Émile Haag dans La France protestante n'existe pas ; pas davantage d'ailleurs que l'édition latine de 1534 qu'ils font figurer avant celle de 1542.)

Calvin soucieux de l'impression de ses textes.
L'imprimeur Conrad Bade, fils du grand libraire parisien Josse Bade, avait fui la France à la fin de l'année 1548 pour échapper aux persécutions de la Contre-Réforme et s'était installé dans la ville de Genève, où Calvin exerçait son ministère. Ainsi qu'il le rappelle dans sa préface de l'Epicinion (1555), Conrad Bade connaissait le réformateur depuis la diète de Worms de 1540, à laquelle il avait assisté aux côtés de son maître Simon Grynaeus, qui y était mandaté par l'Église de Bâle.
« Incontestatblement bibliophile » selon Jean-Pierre Gilmont et très soucieux de la qualité apportée à l'impression de ses ouvrages, Calvin remarqua la « culture à la fois intellectuelle et typographique » de Conrad Bade et en fit l'un de ses imprimeurs privilégiés. Ce dernier a ainsi publié avec le soutien finncier de Laurent de Normandie la plupart des éditions françaises des traités et sermons de Calvin.

La Psychopannychie, un traité sur le devenir de l'âme humaine après la mort.
Son titre quelque peu barbare - composé des termes grecs signifiant l'âme (psychè) et la nuitée (pannychis) - renvoie à l'état transitoire que celle-ci connaît, selon Calvin, après la mort du corps. Car, en effet, à rebours des théories philosophiques et religieuses existantes, le réformateur refuse de penser qu'elle meurt ou bien qu'elle sommeille dans le temps qui précède le Jugement dernier, pour défendre l'idée qu'au contraire elle veille et demeure bien vivante, consciente et même active.
Ce traité, le premier des écrits théologiques de Calvin, mais sans doute aussi son premier écrit réformé, développe une théorie de l'âme appuyée sur la lecture de l'Écriture sainte aussi bien que des philosophes antiques, en opposition directe avec les idées qu'il a cru discerner chez les anabaptistes d'une part, et chez certains cercles philosophiques libertins de l'autre. Selon lui, l'âme ne sommeille ni ne meurt après la mort physique de l'homme parce qu'elle est immortelle et complètement indépendante du corps, qui est davantage sa « prison » qu'un vaisseau inséparable d'elle.

La page de titre de cette édition est ornée de la marque de Conrad Bade à la Vérité sortant du puits.

Exemplaire du duc de La Vallière, cité par Brunet.
Louis-César de la Baume Le Blanc, duc de La Vallière (1708-1780), fut sans doute le plus grand collectionneur de livres du XVIIIe siècle. Sa bibliothèque fut dispersée en trois ventes, en 1767, 1783 et 1788, et une partie en fut acquise par le comte d'Artois, dont la collection est aujourd'hui conservée à la bibliothèque de l'Arsenal.
Le catalogue de la vente du libraire Léon Techener, auquel cet exemplaire a par la suite appartenu, le présente comme « une des grandes raretés de cette série » d'ouvrages de théologie réformée et en attribue la reliure à Derome.
Ces provenances nous sont indiquées par une mention manuscrite portée au XIXe siècle sur un feuillet de garde.

Dos légèrement passé, discrète restauration sur la page de titre, et petite déchirure anciennement restaurée.

Dimensions intérieures : 126 x 80 mm.

Provenance : Ex-libris manuscrit ancien sur le titre : U. Zaff... (rogné) ; duc de La Vallière (Cat. I, 1783, n° 871 « Maroquin bleu ») ; Léon Techener (Cat., 1886, n° 89 « Maroquin bleu... charmant exemplaire du duc de La Vallière »).

Brunet, I, 1506 (cite l'exemplaire sur la description du catalogue La Vallière) ; Rodolphe (P.) et Gilmont (J.-F.), Bibliotheca Calviniana, II, n° 58/8 ; Haag, III, p. 143 ; Erichson, Calviniana, p. 18 ; Stroehlin, 1912, n° 600 (exemplaire relié par Joly) ; Heitz (P.), Genfer Bachdrackers und Verlegerzeichen, n° 7 (marque typographique) ; Senebier, Histoire littéraire de Genève, I, 180 et 248 ; Zahnd (U.), Calvin. L'Âme humaine et la philosophie classique, Droz, 2009, pp. 23-90 ; Hwang, Psychopannychia, 1991, pp. 14 sq.

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