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CENDRARS (B.). Anthologie nègre. Paris, Éditions de la Sirène, 1921, in-8°, broché, couverture.

ÉDITION ORIGINALE.

Afrique, appel de l'Autre et de l'ailleurs.
Dans le contexte des années 1910, où les artistes participent à révéler aux yeux du public de ce que l'on nomme alors « l'art nègre », Blaise Cendrars trouve dans les formes plastiques et littéraires de cet art quelque chose qui lui semble répondre à un profond appel intérieur. Il racontera souvent ce que fut sa première rencontre avec l'Afrique, lorsqu'étant enfant, dans la Géographie universelle d'Élisée Reclus, la vue d'une certaine reproduction d'idole « le tétanisait tout en le laissant savourer sa peur ». Dès l'origine, l'Afrique représente donc pour Cendrars, bien plus que l'enfance de l'humanité, une énergie brute qu'il oppose à sa perception d'une Europe sclérosée et d'une Amérique qu'il juge trop mercantile. Avec les poèmes Continent noir et Les Grands Fétiches, dès 1916, l'Afrique pénètre l'œuvre de Cendrars : elle y incarne l'Altérité et l'ailleurs.

« Plus qu'un livre, [l'Anthologie nègre] est un acte » (Michel Leiris).
Lorsqu'en 1921, paraît son Anthologie nègre, elle n'est pas exactement le premier recueil à offrir des textes issus des traditions africaines à la curiosité du public. Plusieurs recueils publiés dès 1903 par René Basset et François-Victor Equilbecq, ainsi que les travaux du missionnaire allemand Henri Trilles ont déjà livré à la curiosité occidentale une part importante du corpus des contes et légendes de l'Afrique. Mais Cendrars, qui va largement puisé et les textes et la compréhension des cultures dont ils sont issus dans ces travaux érudits, ne prétend pas faire œuvre d'ethnologue ou de linguiste. Les contes qu'il choisit, il en reprend le texte, se l'approprie en quelque sorte, tâchant de rendre toute leur immédiateté et leur permanence. Ainsi, gomme-t-il pour se faire toute indication temporelle. Il livre, comme vécue de l'intérieur, une somme artistique qui, à ses yeux, rivalise puissamment avec les œuvres occidentales, dont elle doit contribuer à bousculer les limites.
Premier livre, à proprement parler, publié par Cendrars, l'Anthologie nègre, à sa parution constitua un véritable événément littéraire, que saluèrent des critiques telles que celle de Paul Morand, qui écrivit : « [l'Anthologie] eût fait honneur à un savant. Nous sommes heureux de [la] devoir à un poète ».

Un « nègre » insoupçonné.
Aux Éditions de la Sirène dont il est alors le conseiller littéraire, Cendrars a fait la connaissance du jeune Raymond Radiguet. Si elle fut brève - Radiguet meurt en 1923 -, une réelle amitié lia rapidement les deux hommes qui passèrent de longues soirées ensemble, aux rythmes des airs de jazz du Bœuf sur le toit... Et Cendrars confia à Radiguet le soin de regrouper et mettre au propre, sur quelque 600 feuillets, les contes et légendes de son Anthologie.

La couverture est illustrée d'un dessin du peintre hongrois Joseph Czaky (1888-1971).

L'un des 35 premiers exemplaires sur papier pur fil des papeteries Lafuma-Navarre (n° 27).

Il est conservé dans une chemise-étui de Devauchelle.

Le Quellec Cottier (C.), préface à Anthologie nègre, dans Œuvres de Blaise Cendrars, t. 10, Denoël, 2005, pp. IX-XXIX ; Cendrars (M.), Blaise Cendrars, Balland, 1984, pp. 473-474.

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Illustrations

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