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ECHENOZ (J.). L'Équipée malaise. Paris, Les Éditions de Minuit, 1986, in-8°, broché, couverture.

ÉDITION ORIGINALE.

L'Équipée malaise s'inscrit, à première vue, dans la lignée du roman d'aventures. L'ombre de Conrad et de Stevenson plane sur ce livre dont les péripéties drolatiques s'enchaînent sur fond de plantation de caoutchouc en Malaisie et de rébellion. Petits malfrats, trafic d'armes, rapts, capitaine au long cours, cargo cypriote poussif baptisé Boustrophédon et contrebande complètent le tableau. Une partie de l'action se situe à Paris où les deux héros, Pons et Pontiac, éconduits par la même femme, finissent par se retrouver. Mais au fil des pages, le lecteur constate que les bandits éprouvent des sentiments amoureux, les rebelles sont désorganisés. L'aventure tourne au fiasco. L'équipée devient malaise...
Le tour de force du romancier, qui ne connaissait pas l'Asie du Sud-Est, est de recréer une Malaisie plus vraie que nature grâce à une profusion de détails réalistes sur le pays. Les fameux « effets de réel » que distille l'auteur au prix d'une documentation démentielle. Echenoz, en parallèle, n'a de cesse de saper les bases du roman, d'en subvertir les codes. François Nourissier évoque, à juste titre, « un vrai roman qui contient aussi la dérision et la négation du roman ». L'Équipée malaise permet en définitive à Jean Echenoz, pour reprendre une formule célèbre, de conjuguer « l'écriture d'une aventure et l'aventure d'une écriture ». Et d'apporter un souffle neuf au roman français, une dimension ludique, un vent de folie qui tranche avec l'austérité littéraire et l'esprit sérieux des années soixante-dix. Il faut aussi mentionner l'invention verbale digne de Queneau, « l'étourdissante virtuosité langagière » dixit Nourissier. Chaque phrase est teintée d'humour, de détachement et de mélancolie. L'ensemble prodigue un plaisir de lecture inouï. On n'insiste jamais assez sur cette denrée rare qu'est l'humour, en littérature, et l'on se surprend souvent, en lisant Echenoz, à rire tout seul.
Déjà distingué par le prix Médicis (Cherokee, 1983) et le prix Goncourt (Je m'en vais, 1999), Jean Echenoz a obtenu en mars 2016 le prestigieux prix de la BNF, qui récompense l'ensemble de son œuvre. Il rejoint ainsi Michel Houellebecq, Patrick Modiano ou encore Milan Kundera, lauréats de ces dernières années.

L'un des 106 exemplaires sur vélin chiffon de Lana, seul grand papier.

Dimensions : 192 x 143 mm.

 

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Illustrations

  • ECHENOZ (J.).