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HOUELLEBECQ (M.). La Possibilité d'une île. Roman. Paris, Fayard, 2005, in-8°, broché, couverture imprimée d'éditeur.

ÉDITION ORIGINALE.

En 2005, soit sept ans après la parution des Particules élémentaires qui contenait déjà des éléments futuristes, Houellebecq signe un ambitieux roman d'anticipation intitulé La Possibilité d'une île. Grand amateur de science-fiction, il s'attaque avec brio au thème du clonage, des corps artificiels et de la vie sans fin.
Le texte enchâsse savamment plusieurs récits, le plus étoffé étant celui de Daniel (noté Daniel1, comme un clin d'œil biblique), un humoriste célèbre et cynique de 40 ans, au bout du rouleau. Comment définir Daniel, notre contemporain ? Un clown triste et désabusé, indifférent même au suicide de son propre fils. « Je n'avais jamais vraiment aimé cet enfant, confie Daniel1 (...). Sa disparition était loin d'être une catastrophe ; des êtres humains de ce genre, on peut s'en passer. » Deux figures féminines, Isabelle puis Esther, traversent la vie de notre héros et lui apportent un peu de réconfort, sous forme d'amour ou parfois de plaisir. Hanté par le vieillissement, Daniel1 rejoint une secte située en Espagne - les Élohimites - qui, grâce aux progrès de la science, garantit l'immortalité à ses adeptes (et même à leurs animaux domestiques !). Le code génétique de Daniel1 devient du coup synonyme de vie éternelle. C'est au tour de Daniel24 et de Daniel25, ses clones, quelques milliers d'années plus tard, de livrer leur récit. Le sort des néo-humains n'est guère enviable. La suppression de la mort a en effet gommé des sentiments aussi banals que l'ennui, la peur mais aussi la joie et autres bonheurs fugaces. Sans parler de l'amour et du désir, qui ont définitivement disparu. Quant à la nourriture traditionnelle, elle a été remplacée par des capsules de sels minéraux sans saveur...
Le nihilisme est vertigineux, la noirceur extrême. L'ombre de Schopenhauer, cité à de multiples reprises, plane sur le roman. Kierkegaard et Pascal sont, eux aussi, en embuscade. Mais la fiction se teinte souvent de poésie, de romantisme même, à l'image du long poème plein d'espoir de la page 433, composé par Daniel1 pour sa bien-aimée : « Et l'amour, où tout est facile / Où tout est donné dans l'instant / Il existe au milieu du temps / La possibilité d'une île. »
Sous la plume désinvolte et incisive de Houellebecq défilent la plupart des thèmes qui lui tiennent à cœur : le déclin inéluctable de l'Occident, la frustration sexuelle, la solitude, le consumérisme à tout crin, l'essor de l'islam, la non-réciprocité en amour, et... la tyrannie du jeunisme qu'il dénonce implicitement. « La vie d'un homme commence à cinquante ans, c'est vrai ; à ceci près qu'elle se termine à quarante ans », nous dit-il. Un de ces énoncés paradoxaux et profonds, dont Houellebecq a le secret. Comme en écho à la célèbre citation de Diderot sur le temps qui passe : « La vie est courte, mais les journées sont longues. »

En 2008, Houellebecq, ancien élève de l'École Louis-Lumière, adaptera lui-même son roman au cinéma, avec l'acteur Benoît Magimel dans le rôle principal. Un échec cuisant, à la différence du livre, car le film n'enregistrera que 15 000 entrées.

Un des 179 premiers exemplaires imprimés sur papier Ingres d'Arches, celui-ci l'un des 80 mis dans le commerce (n° 79).

L'exemplaire, non coupé, est placé dans une chemise-étui à dos de chagrin bleu persan de Devauchelle.
Couverture bien conservée.

Dimensions : 215 x 135 mm.

 

 

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Illustrations

  • HOUELLEBECQ (M.). La Possibilité d'une île
  • HOUELLEBECQ (M.). La Possibilité d'une île